Chroniques des assises de Perigueux (dernière partie)
mars 9, 2007
Audience du Vendredi 9 mars et jugement

 
–         L’Avocat des ministères qui représente en fait le Trésor Public, seul habilité à représenter l’État
 
L’État a le devoir de soutenir moralement et financièrement les familles et il l’a fait.
 
Il y a eu un soutien personnel aux familles mais aussi à l’institution ; car l’inspection du travail a été particulièrement touchée par ce séisme. Ce double meurtre, c’était la première fois.
 
Ils ont été abattu pour avoir participé à la lutte contre le travail clandestin, contre les pratiques de marchandage de ces officines qui ne déclarent pas leur salariés, vont d’un département à un autre pour éviter un suivi par l’inspection du travail, pour brouiller les pistes.
 
Vous avez vu que dans les pratiques de l’inspection du travail, il y a la pratique de la conciliation.
 
Vous avez entendu comment Mme Moreau avait été pédagogique.
 
M. DUVIAU n’a entendu que le prestataire. Nouveau contrôle de la MSA, nouvelle mise en garde. M. DUVIAU a continué, malgré les mises en garde.
 
Et c’est parce qu’il a été pris qu’il a tué Sylvie TREMOUILLE et Daniel BUFFIERE. La circonstance aggravante, c’est que ce meurtre s’est fait sur des personnes chargées d’une mission de service public.
 
C’est bien pour leur métier qu’ils ont été tués. Sylvie TREMOUILLE n’avait pas parlé à M. DUVIAU ; elle est morte pour rien.
 
La circonstance aggravante n’est pas anodine.
 
Ce meurtre a provoqué un séisme en Dordogne ; mise en place d’une cellule d’appui psychologique sur le département et au niveau national. Il a fallu revoir les procédures.
 
 Il n’y a pas eu harcèlement, il n’y a jamais eu harcèlement. Il faut se souvenir de ce qu’il a fallu faire pour arrêter ceux qui ont fait l’apologie du crime après le 2 septembre 2004. Les actes d’agression ont pu être réduits, après un doublement en 2004.
Vous jugez au nom du peuple français. Il est important que le peuple français dise à M.DUVIAU qu’il ne veut plus de cela.
  
–         Réquisitoire de l’Avocat Général
 
« Je ne peux pas m’empêcher de penser à cette journée du 2 septembre 2004. Ce jour là, je devais prendre mon poste au TGI de Bergerac. Nous étions avec mon adjointe dans le bureau pour évoquer l’activité sur Bergerac. Elle me disait qu’il y faisait bon vivre ; elle était à cette époque la présidente du COLTI et m’avait indiqué que les actions se passaient dans de bonnes conditions, avec des personnes de terrain, qui utilisaient le dialogue.
 
C’est alors qu’elle a été appelée par la gendarmerie vers 16 H 30. A voir son visage, j’ai compris que quelque chose de grave venait de se passer : des coups de feu et deux fonctionnaires touchés.
 
Nous sommes allés sur place. Je ne veux pas vous décrire la scène, par respect pour les familles, parce que les experts ont suffisamment décrit les blessures. A notre arrivée, Sylvie TREMOUILLE venait de décéder et Daniel BUFFIERE était très médicalisé. J’ai eu un sentiment d’horreur, de consternation, d’incompréhension face à ce passage à l’acte ne laissant aucune chance aux fonctionnaires.
 
Daniel BUFFIERE à bout portant et Sylvie TREMOUILLE dans le dos !
 
Tous deux étaient père et mère d’un enfant. Rien ne laissait présager un tel déferlement. Ce passage à l’acte a été exploité dans les jours qui ont suivi ; il y a eu des déclarations pour justifier ces actes, en faisant des liens avec le harcèlement. Ceci portait atteinte aux victimes et aux familles.
 
Ce procès est très attendu, par les familles qui se sont exprimées dans la dignité et qui attendent que la justice leur rende l’honneur. Pendant la durée de l’instruction, les familles ont gardé une attitude de réserve à l’image des deux agents qui sont morts. Tous deux étaient tournés vers l’autre et avaient un supplément d’âme qui donne sens à l’activité de l’administration.
 
Ce procès était attendu par les agents de l’inspection et par tous les fonctionnaires, par tous ceux qui exercent une mission de service public pour faire qu’on puisse vivre dans une société civilisée. Il est important de rappeler l’utilité sociale de l’inspection, différent de l’inquisition.
 
A une époque où les agents de l’État sont de plus en plus pris à partie, il faut garantir leur sécurité. »
 
S’adressant aux jurés : « il n’est pas facile d’être confronté à la détresse humaine ; ce rôle vous ne l’avez pas choisi, mais vous devez l’assumer, en réfléchissant si votre décision va être comprise par le peuple français. Mon rôle est de représenter l’État ; ma décision je la prends dans le souci de la sauvegarde de l’intérêt général. Mon rôle est de vous accompagner dans votre mission pour que vous rendiez une décision qui soit juste et équilibrée.
Claude DUVIAU reconnaît qu’il est coupable ; la difficulté est de savoir si vous pouvez reconnaître des circonstances atténuantes. Il vous faut comprendre le ressort psychologique qui l’a amené à tuer par deux fois.
 
Du côté de la défense, on vous présentera le drame comme un coup de folie, l’acte d’un désespéré, harcelé, acculé à ce geste terrible, victime de son destin, de son mal être. Ce n’est pas l’histoire de M. DUVIAU ; ce n’est pas l’innocente victime d’un rêve brisé. Son acte n’est pas l’acte d’un désespéré, mais un acte de haine.
 
Il n’était pas irresponsable, il doit répondre de ses actes devant la Cour d’Assises.
 
Homme d’un orgueil démesuré, persuadé d’avoir toujours raison. Pas d’enfance malheureuse. Il réussit sa vie professionnelle dans l’armée et les assurances. Il a était gâté par la vie : une femme remarquable, des enfants aimants qui ont réussit dans la vie. En 1999, il se lance dans la reprise d’une exploitation agricole. Et c’est quand son associé se retire que les difficultés commencent.
 
Son vrai personnage apparaît.
 
Les problèmes financiers ne sont pas l’essentiel ; à aucun moment il n’est prévu qu’il se retrouve à la rue. Le mandataire judiciaire le lui a dit mais Claude DUVIAU est dans une logique de cesser une exploitation pour régler les problèmes financiers. Même si le projet de reprise n’aboutit pas, le passif n’est que de 50 000 € (et cette somme aurait était moindre s’il n’avait pas été incarcéré.)
 
Claude DUVIAU n’écoute pas ses proches.
 
Il a un malaise dans ses vignes mais il arrêtera ses médicaments.
 
S’il avait voulu vraiment se soigner, il aurait pu trouver son problème. Ce qu’il n’accepte pas, c’est l’échec et l’image qu’il donne aux autres. Il n’accepte pas d’avoir tort et il est incapable de se remettre en cause : psychorigide, il tient à se montrer irréprochable.
 
L’enquête de personnalité a montré le bon côté des choses, mais en cas de difficulté, les qualificatifs ont un autre sens.
 
L’histoire de Claude DUVIAU, c’est l’histoire de quelqu’un qui ne prend pas ses responsabilités.
 
J’ai retrouvé cette semaine, le même Claude DUVIAU qu’au moment de la reconstitution. Il a la même rigidité et la même intransigeance. Ce même discours sur la responsabilité des autres ; il est incapable de penser aux victimes.
 
Claude DUVIAU n’a été victime ni du crédit agricole, ni de la cave viticole, ni de l’Inspection du travail, ni de la justice.
 
Les banques ne sont pas des établissements de bienfaisance. En 2002, il y a un marasme économique. Il n’est pas illogique que la banque n’accorde pas un crédit supplémentaire à M. DUVIAU.
Sur l’escroquerie de la cave viticole, cela ne correspond qu’à une somme de 4 000 €.
 
Sur l’acharnement de l’Inspection du Travail et de la MSA : quel acharnement ! Il n’a pas eu de sanction en dehors d’une amande avec sursis.
 
Le contrôle du 2 septembre se fait dans le cadre du COLTI. Le contrôle n’est pas orienté vers M. DUVIAU. Mais sa condamnation en 2003 à 600€ d’amende avec sursis est présentée comme un élément clef ! Il faut être sérieux. Il y avait bien infraction. Il n’y a pas eu injustice. Il a bénéficié des conseils dont il avait besoin.
Malgré cela, Claude DUVIAU va avoir de la rancœur contre tous ceux qui veulent le ramener à la réalité.
 
C’est l’histoire d’un homme dangereux, car capable d’une haine rentrée pouvant s’exprimer dans la violence. Sa dangerosité existait avant ses difficultés financières.
 
Sur son intention suicidaire : suicide d’orgueil – je vais me suicider devant le Crédit Agricole.
 
La réalité, c’est que Claude DUVIAU est une bombe à retardement qui ne demande qu’à exploser. Cette dangerosité explique son passage à l’acte.
 
Le 02 septembre, il fait beau. M. DUVIAU est serein. La récolte se passe dans de bonnes conditions. Il y a un contrôle dans le cadre du COLTI ; j’insiste sur l’attitude des deux agents de contrôle : calmes, respectueux. L’entretien : on sait comment il s’est passé. Daniel BUFFIERE doit dire qu’il y a des salariés en situation irrégulière « vous êtes responsable, il faudra l’assumer. ». Il ne pouvait pas dire autrement.
 
Tout bascule avec le mot « tribunal » qui serait l’élément déclencheur. Rien ne pourra le retenir. Il rejoint le bâtiment agricole mais il n’a pas une démarche suicidaire. Il pouvait partir avec son véhicule. S’il voulait se suicider, il pouvait le faire. En fait, il choisit la troisième solution : il prend son arme et il attend. « C’est à cause de vous que je suis dans cette situation » dit Claude DUVIAU à Daniel BUFFIERE. Il a une bouffée de haine : là pendant 10 minutes, il se comporte comme un chasseur qui attend sa proie. Il sait que les agents ne repartiront pas. C’est un guet-apens. Il les attend et pourtant une parole aurait suffit.
 
Quand Daniel BUFFIERE appelle : il leur dit « je suis là. »
 
Il ouvre la porte, il abat Daniel BUFFIERE et çà ne lui suffit pas, il abat alors Sylvie TREMOUILLE.
 
C’est l’explosion d’une haine rentrée. Il nourrissait une rancœur contre tous ceux qui le ramenaient à la réalité. Il n’avait pas envisagé ce passage à l’acte ce jour là (mais il l’avait envisagé un jour.)
 
L’acte n’est pas celui d’un homme désespéré. C’est la haine et la frustration qui l’anime.
 
Claude DUVIAU encourre la peine la plus lourde : la réclusion criminelle à perpétuité.
 
Compte tenu des faits qu’on lui reproche : meurtre sur agent ayant une mission de service public.
 
Je ne requière pas la peine maximale parce que c’est possible.
Vous devez l’envisager en raison de la gravité des faits : un passage à l’acte sans précédent. Il ne connaissait pas les deux victimes qui faisaient leur travail dans le calme. Il n’avait rien à leur reprocher.
 
Vous jugez un acte, et aussi un accusé.
 
La défense essaie d’atténuer sa responsabilité mais pour vous convaincre du contraire, il suffit de se reporter aux débats avec les experts.
 
Un expert a proposé une atténuation de responsabilités. J’ai donc demandé l’intervention de deux experts nationaux et vous connaissez leurs conclusions.
 
Une question vous est posée à vous jurés, concernant l’atténuation de responsabilités. Accepter cette thèse, c’est ouvrir la porte à toutes les justifications dans des cas similaires.
 
Je suis confronté à des agriculteurs en difficulté qui commettent l’irréparable : le suicide.
 
Claude DUVIAU connaissait son état psychologique, il refusait de se soigner. Autour de lui, on lui demandait de se soigner, ce qui aurait pu améliorer son état psychologique. En refusant de se soigner, cela a abouti à l’irréparable. A supposer qu’il y ait une altération, il avait d’autres possibilités.
 
Vous n’avez pas à juger un acte réflexe car il y a eu ces 10 minutes qui auraient pu lui permettre de renoncer à ce désastre.
 
Et le deuxième tir est d’une lâcheté incroyable car il tire sur une femme sans défense.
 
Je me tourne vers la famille, en particulier vers Lucie et Julien ; tous deux rentrent dans l’adolescence, tous deux peuvent être fiers de leur père et de leur mère, ils faisaient l’honneur de leur profession : tout devait les protéger de l’horreur et de la barbarie.
 
Leur mort ne peut trouver d’excuses. »
 
« Je requière la réclusion criminelle à perpétuité.
 
Si toutefois, vous ne partagiez pas mon analyse, je ne souhaite pas de peine inférieure à 30 années avec période de sûreté.
 
Vous devez penser à toute une profession qui est sur le terrain à longueur de journée. Vous devez penser aux familles, aux enfants. Il y aura un avant et un après. Et entre les deux, il y a un gouffre. »
 
 
–         Avocat de la défense
 
Monsieur le président, j’ai failli demander qu’il n’y ait pas de suspension, pour donner le résultat.
 
La fin ne justifie pas les moyens
 
Monsieur Claude DUVIAU n’a jamais contesté être un meurtrier ; il n’est pourtant pas haineux, ni abominable ! La peine de perpétuité est réservée à d’autre type d’individu.
 
Alors un coup de folie ? C’est un peu court.
 
L’avocat a un mandat particulier. En général l’homme ou la femme qui est défendu demande le moins de prison possible. Je vois M. DUVIAU régulièrement, notamment depuis un mois et demi. Il m’a dit : « ce que je veux c’est la vérité .Vous avez tout sur la table. Vous jugerez. »
 
Pourquoi veut-on rajouter à cet homme quelque chose d’affreux, sale et méchant ? Pour avoir tous les qualificatifs, pour en faire un exemple national. Parce que les ministères sont là, parce qu’il y a l’inspection du travail ?
 
Je comprends que certains aient pu être choqués. Pourquoi, comment, quand ? Qui est-il ? Dans votre réflexion, vous aurez à prendre tout et décider. Je veux mettre de l’ordre et remettre tout dans le sens de la marche et préciser comment il en est arrivé là.
 
Pendant 3 jours, on a entendu les familles. Fallait t-il qu’il (Claude DUVIAU) rentre dans le tribunal et pleure ? Pendant l’enquête auprès du Juge d’instruction, on croyait ce que disait M. DUVIAU. Pourquoi ne le croirait-on plus aujourd’hui ? Tout ce qu’il a raconté n’avait pas été contesté.

Avec le passage à l’acte, l’idée de suicide est sous-jacente.
 
Il y a, par ailleurs, deux grands absents à ce procès : le Crédit Agricole et l’armée.
 
Il n’a pas eu de père (et cela l’a conduit) à décider de rentrer dans l’armée à 17 ans. Il y restera 15 ans. L’armée va venir lui inculquer des valeurs qu’on retrouvera chez lui pendant 54 ans. Avant les trois dernières années que vous connaissez, l’enquête de personnalité a révélé ces valeurs.
 
Vous avez devant vous l’homme pour lequel on réclame la perpétuité alors que jusque là il était reconnu pour ses qualités. Il existe dans le rapport de M. LOST (le premier expert psychologue NDLR) des éléments que l’expert avait vu : loyal, méthodique, perfectionniste, ordonné. Mais c’est un homme qui n’aime pas les entourloupes. Il a été imprégné par la culture militaire.
Claude DUVIAU avant 2002 était empli de ces caractéristiques qui n’auraient été que des qualités s’il était resté assureur.
 
Il a deux enfants et une femme qui ne supporte pas les Assises.
 
La nature humaine a ses vices.
 
Il va y avoir un enchaînement de malheurs qui vont créer la dangerosité extrême qui aboutira au drame de SAUSSIGNAC.
 
Le fils dira « on est passé du rêve au cauchemar »
 
L’Avocat Général s’est appliqué à minimiser l’empilement des petits malheurs. Et pourtant c’est bien ce qui va entraîner la dépression. Les Assises c’est l’oralité. Mais avant, ce n’est que du papier. Si on ne fait que de l’oral, on oublie des choses.
Claude DUVIAU va développer une espèce de paranoïa. Le fils dira  « il est submergé ; il pense que la MSA et le crédit agricole lui en veulent. » Mais aussi la liaison de sa fille avec son associé qui est une petite atteinte de son rêve (de père : NDLR) car 25 ans d’écart d’âge entre les deux, ça l’ébranle.
 
Jusque l’âge de 55 ans, il n’a connu aucun échec grâce à ses compétences et son acharnement au travail. Il a cru que le travail suffirait.
 
L’avocat revient sur ses finances.
 
Jusqu’à 55 ans, il n’a emprunté qu’une fois. Il n’avait pas l’habitude des crédits.
 
Alors, Claude DUVIAU est quelqu’un d’intéressé ?
 
Mais combien a t’il racheté les parts de son associé ? Le même prix qu’au départ. Ce qui fera dire au président du tribunal « Vous n’avez pas fait une mauvaise affaire. »
 
L’Avocat parle alors d’un autre basculement : celui vers l’agriculture.
 
Le passage de l’armée vers les assurances s’était bien passé. Comme le dit M. VERDIER : « il est un peu vieux pour devenir agriculteur. » Son passage à l’agriculture est mal perçu par les professionnels et de plus il va « la ramener ». 
 
Son ouvrier marocain, il l’avait embauché. Il a rempli la DUE en indiquant qu’il s’agissait d’un salarié étranger. Ce dernier avait une carte de résident espagnol. J’ai récupéré les feuilles de paie prouvant qu’il avait déjà travaillé en France. La MSA transmet le dossier à l’Inspection du travail qui déclare Main d’œuvre étrangère irrégulière égale sanction. Pourtant, il avait envoyé un courrier pour s’expliquer à la MSA. Ce salarié était payé comme les autres : par chèque et avec feuille de paie. Pour M. DUVIAU, il n’y avait pas de problème de titre de séjour.
 
En mars 2003, il fait un malaise dans ses vignes en raison d’une surcharge de travail. Il sera hospitalisé huit jours. Suite à ce malaise, il fait sa donation-partage en avril suivant. C’est un acte que l’on fait avant son décès. Au printemps 2003, il y aura une succession de contrariétés. Il soulève des lièvres au niveau de la cave viticole (la coopérative : NDLR.)
 
Il a beaucoup investi et s’est beaucoup endetté. Il ne veut pas que son épouse (percepteur) soit inquiétée. Toujours au printemps il apprend qu’il ne touchera pas la prime qui l’aidait à attendre les récoltes. Il se tourne alors vers le Crédit Agricole qui ne répond pas. Il a donc un souci financier important. Il y a ensuite la cave viticole et les trafics d’échantillons. On lui dit qu’il va y avoir un arrangement et on le met au tribunal de commerce pour une dette de 23 000€. Il sera condamné à payer cette somme. Il considérera cette décision comme injuste.
 
Le même mois, il se retrouve devant le Tribunal pour l’embauche (illégale : NDLR) du marocain en 2002. Il sera condamné à 600€ d’amende. Son Avocat (d’alors) lui dit de ne pas faire appel. « C’est rien » selon lui.
 
Mais Claude DUVIAU ne le prend pas comme ça.
 
Il ne perçoit plus normalement ce qui lui arrive.
 
Il ne réagit pas sereinement. Il se sent bafoué et trahi. Les petits malheurs vont devenir des énormités.
 
En juillet il se met en position de suicide avant que son épouse ne l’en empêche. Au moment de l’instruction, on ne doutait pas de cette tentative. (Mais il y a doute parce que la mère n’en parle pas à sa première audition : NDLR)
 
Au passe d’un suicide lié à la déprime au suicide pour raison économique.
 
Au moment du règlement judiciaire, le mandataire essaie de rassurer Claude DUVIAU en lui indiquant que la dette est alors gelée. Le règlement judiciaire lui permet par ailleurs la poursuite d’activité (il n’ y a que 23 000€ de dette).
La dépression se fait plus sévère. Le jeune qui veut reprendre est vu comme la « solution » à tous les problèmes. Mais il n’a pas de sou. La banque retenue est censée apporter les crédits. Au niveau régional (Limoges) sa demande de crédit sera refusée. Alors le tribunal décidera la liquidation pensant faciliter la reprise. La solution du jeune repreneur tombe !
 
Claude DUVIAU a alors une autre idée : le suicide économique.
 
Doit-on faire entendre qu’il est intéressé ?
 
En fait c’est pour l’intérêt de la famille : « Je vais organiser ma mort pour que l’assurance vie couvre les dettes, dans l’intérêt de ma femme (en effet, l’assurance couvre bien ce type de risque après deux ans de souscription. NDLR.) Il est méticuleux. Il va acheter des cartouches pour être certain de ne pas se rater. Son suicide est programmé fin septembre.
 
Oui. Il y a là de l’orgueil, de la fierté !
 
Concernant le fusil, il prend le plus petit par commodité parce qu’il y a deux détentes et qu’il est sûr de ne pas se rater. 
 
Ensuite, il va y avoir des hauts et des bas sur le dossier du jeune repreneur avec de nombreux refus des banques.
 
Il se suicide pour de l’argent. C’est de l’orgueil ?
 
C’est pour sa famille qui l’aime et qu’il aime. Mais il pense que c’est mieux que sa femme puisse continuer son travail. Aujourd’hui, on peut dire qu’il pouvait trouver une autre solution.
 
En 2004, c’était évident, il était en dépression majeure. Tout est en place pour que le drame arrive :
 
Le 24 août, nouveau refus pour M. TALOU. Claude DUVIAU ne croit plus en une solution.
 
J’ai rencontré Claude DUVIAU le 06 septembre, 2 jours après les faits.
 
On nous parle de manipulation de l’information, de stratégie. Ce sont les arguments des parties civiles. Peut-on douter de la spontanéité des déclarations de mon client ?
 
Lorsqu’il dit à Daniel BUFFIERE : « vous auriez pu m’appeler » et qu’on lui répond : « vous n’avez pas le droit, vous allez passer devant le tribunal » ; ça a créé l’émoi.
 
M. DUVIAU dira : « je voulais me suicider après avoir payé mes échéances. »
 
Alors dire qu’il s’était préparé à tuer – non ! Il ne voulait tuer personne sauf lui ! 
 
Il avait de la haine peut-être mais contre lui, pas contre des tiers.
 
Certes, Daniel BUFFIERE n’a pas été agressif. Alors pourquoi Claude DUVIAU aurait-il dû s’inquiéter alors que le contrôle de la MSA en 2003 s’était bien passé ?
 
En fait, ce contrôle transforme ses plans car cela risque de l’empêcher de continuer les récoltes avant de se suicider. Il perd alors le sens des réalités et le plan dérape.
 
Les experts expliquent qu’il n’a plus le sens des réalités. Effectivement, les risques, suite au contrôle n’étaient pas énormes. Il tord la réalité parce que son esprit est malade. Au moment du contrôle, il sent que la tension monte. Cela l’asphyxie, il va donc à l’abri vers la maison. Il va se réfugier, là où il y a son fusil, ses balles. Il y va comme un animal traqué. Cela va durer 5 ou 10 minutes.
 
Préméditation ?
 
Ce que je vous dis sur les faits, chronologiquement, est exact.
 
Guet-apens ?
 
C’est contre lui qu’il en a. Pendant 5 ou 10 minutes, il pense à sa femme, il y a accélération de l’histoire. Il pense que les contrôleurs vont partir. Quand il charge le fusil, c’est pour lui.
 
Les agents de contrôle, impatients vont alors s’approcher.
 
Encore une fois, il ne voulait pas tuer les agents de contrôle. Il entend le mot « maison ». Daniel BUFFIERE s’approche et Claude DUVIAU va passer à l’acte. Il ne voit pas, il n’identifie pas, il tire.
 
Il pensait être dans une tanière comme un animal blessé : il a pu penser que Daniel BUFFIERE allait s’introduire dans la maison, dans sa propriété.
 
C’est un acte réflexe.
 
J’ai cherché des livres sur les troubles psychologiques, le suicide. L’avocat lit un extrait : « Pourquoi a t-il tiré sur des tiers alors qu’il voulait tirer sur lui-même ? »
 
Cet homme, décrit comme quelqu’un de machiavélique, aurait posé le fusil près de la chaise après avoir essayé de se suicider. Dans un meurtre, il y a toujours un mobile. Le 2 septembre, les agents de contrôle, ne lui avaient rien fait. Il a été dépassé, c’est absurde. On n’est plus dans la raison. Certes, il est psychorigide mais il y a des experts qui ont des positions différentes.
 
M. BONANT est un bon psychiatre, il est responsable. Il indique que M. DUVIAU est responsable et qu’il n’y a pas abolition de son discernement. Pourtant la dépression était si sévère qu’il avait perdu tout sens de la réalité.
 
Ceux qui souffrent : ce sont les familles.
 
Perpétuité. C’est ce que l’on demande quand on tue des enfants, pour les meurtres en série. Ce sont des affaires extraordinaires de perversité !
 
Vous voulez faire un exemple. Je ne crois pas que ce soit le moment.
 
Je comprends la crainte de l’Inspection du travail. Quand M. DUVIAU parle de faire quelque chose pour que çà ne se reproduise plus, il est de bonne foi.
 
Demander la perpétuité, en proposant habilement 30 ans avec 20 ans incompressibles, c’est habile. Mais ça n’a pas trop de sens par rapport à certaines affaires où il y a de la barbarie !
 
Les victimes sont là près de nous. La justice doit passer, je le sais. Et il le veut.
 
Que la sanction soit sévère, c’est normal ; mais il n’est pas dangereux aujourd’hui.
 
Le 06 Septembre, il ne voulait pas qu’on le défende.
 
Vous pouvez suivre l’avocat général mais le descriptif que j’ai fait doit être pris en compte.
 
30 ans, perpétuité, c’est trop.
 
Je comprends votre attente Monsieur TREMOUILLE. Vous avez fait passer un grand moment d’émotion.
 
La peine prononcée sera importante mais doit-on briser de nouveau une famille. Je crois qu’il y a une certaine marge. Je vous demande de prendre mes demandes en considération : diminuer un peu les demandes outrancières de l’avocat général. »
 
Le Président demande alors à M. DUVIAU (qui a pleuré pendant une bonne partie de la plaidoirie de son avocat. NDLR) de se lever et lui demande si il a quelque chose à déclarer.
 
Claude DUVIAU d’une voix très faible dira simplement : « je dis pardon à tous.»
Délibéré et Jugement
Le président, Jean-Alain NOLLEN, a annoncé, vendredi 9 mars, en début d’après-midi, après moins de deux heures de délibération du Jury, que Claude DUVIAU était condamné à trente ans de réclusion criminelle.