Chroniques des assises de Perigueux (3ème partie)
mars 10, 2007
Audience du jeudi 8 mars.
Les témoignages se sont poursuivis à l’ouverture de l’audience
 
–          Un ami de Daniel BUFFIERE, contrôleur des finances
 
C’était un contrôleur impliqué, modeste, un homme de dialogue de consensus. Evocation d’un problème de santé en 2003, et rage de vivre après.
 
–          Le maire de BAZILLAC, où D. BUFFIERE était premier adjoint
 
Il avait une grande capacité d’écoute ; un homme juste, vrai, bon, très impliqué dans tout ce qui est de l’ordre de la solidarité vers les autres. Il impulsait tout ce qui était action vers les autres, tels que les Restaurants du cœur ou le Téléthon.
 
C’était un homme de dialogue, consensuel, apaisant et rassurant ; un homme de négociation.
 
Le maire évoque la difficulté d’annoncer la mort de Daniel à la famille et surtout à Lucie. Il a du se faire accompagner du médecin du village.
 
Après son problème de santé – une rupture d’anévrisme en 2003 qui l’a conduit à rester quinze jours dans le coma – il est revenu encore plus motivé. Le maire indique qu’il demandait à Daniel BUFFIERE d’intervenir quand il y avait un litige étant donné sa capacité de dialogue.
 
Le Président évoque d’autres témoignages d’agents de la MSA auditionnés par la gendarmerie.
 
Tous s’accordent à dire que s’était un agent intègre, sérieux avec un sens profond des relations humaines.
 
–          Claudine FEFFIN :compagne de Daniel, salariée de la MSA
 
Daniel était un homme vivant, plein d’espoirs et de projets. Un homme de dialogue qui savait analyser les situations pour éviter les problèmes. Papa attentif très proche de sa fille Lucie après son divorce.
 
Compagnon attentionné, quelqu’un de fort sur lequel on pouvait s’appuyer. Disponible, rassurant, il avait soif de vivre.
 
Après sa rupture d’anévrisme il a récupéré toutes ses facultés … jusqu’au 2 septembre 2004.
 
Daniel croyait en « l’Homme » avec un grand « H » ; le jour du drame, ils ne faisaient que leur travail et rien ne justifiait ce qui leur est arrivé.
 
La compagne qui témoigne est très émue : « Leur mémoire restera gravées dans nos cœurs. Nous avions des projets qui sont brisés. Il y a anéantissement dans les trois familles. »
 
Claude DUVIAU intervient : « pardon madame » mais il est repris par le Président.
 
Le Président demande alors si Daniel lui a fait part de problèmes dans son travail.
 
Elle répond : « Il a pu rencontrer des adhérents avec des attitudes agressives ; mais ils parvenaient toujours à arranger les choses. »
 
Un avocat de la partie civile lui demande alors : « madame comment peut-on vivre après ce drame. »
 
Madame FEFFIN : « On ne peut pas vivre. »
 
–          Mme Jeannette Daudet, 61 ans, médecin qui intervient au nom des quatre frères et sœurs
 
Nous sommes issus d’un milieu modeste mais nos parents ont tout fait pour que leurs enfants réussissent. Elle évoque des souvenirs douloureux de l’enfance et de l’adolescence car elle était très proche de son frère. « Nous sommes une famille soudée. »
 
« Daniel m’appelait – ma grande sœur. Je l’appelais mon petit frère »
 
C’était un homme merveilleux dont la plus grande joie a été la naissance de sa fille. C’était aussi un bon vivant.
 
Daniel était beaucoup engagé dans le monde associatif. Il était militant syndical et politique. Ce qui prouve que pour lui l’Autre existait.
 
J’étais à la fois sa grande sœur, sa confidente et son médecin. Après son problème de santé en 2003, il s’en est sorti grâce à son envie de vivre et à son entourage.
 
Sa disparition est une grande douleur pour son père de 86 ans et un déchirement pour sa fille Lucie.
 
Elle a conclu en disant que « la seule richesse, c’est la vie au-delà de tout problème financier. »
 
Le président fait alors circuler des photos des victimes avec leurs familles alors qu’il n’avait pas souhaité faire circuler des photos des victimes après le drame ou les photos médico-légales.
 
Le président procède alors à la lecture des témoignages de collègues de Sylvie TREMOUILLE
 
« C’était une personne exemplaire qui est devenues Contrôleur du Travail à l’age de 38 ans. C’était quelqu’un de calme. Une des collègues contrôleur explique que le 2 septembre 2004, il y avait 3 binômes qui intervenaient dans le sud de Bergerac. Nous ne contrôlions pas quelqu’un en particulier mais en fonction de la présence de salariés dans les parcelles. Sylvie le répétait toujours pour que son interlocuteur comprenne les raisons du contrôle.
 
Une autre collègue indique que Sylvie était quelqu’un de compétent, serviable, contente de sa récente promotion. Cet agent explique l’organisation des contrôles COLTI. On se réunissait le matin pour organiser les binômes et les secteurs ; pas de contrôle ciblé ; c’était un agent compétent, d’humeur égale qui n’avait pas du tout un profil répressif ;
   
–          Témoignage de Gilles TREMOUILLE, son Mari :
 
Mon fils Julien a dix sept ans et passe aujourd’hui son bac blanc ; les faits se sont produits un jeudi la veille de la rentrée scolaire. C’est ce jour là que les enfants, Julien et Lucie, âgés à l’époque de quatorze ans, ont appris la mort de sa maman pour julien et de son papa pour Lucie.
 
Julien est un garçon courageux qui a fait un dernier adieu à sa maman dans son cercueil.
 
Le soir du double meurtre je me rappelle son témoignage : « Papa. Maman et toi, vous m’avez appris une chose, vous êtes contre la peine de mort, je suis contre aussi, mais le type qui a tué maman ne doit pas sortir de prison. »
 
Gilles a rencontré Sylvie en 1981, à l’arrivée de Mitterrand qui avait un ministre contre la peine de mort.
 
Sylvie était mature. Elle mettait à l’aise. J’étais un jeune con. Elle m’a aidé à devenir un homme. Elle m’a dit parlant de BADINTER :  « il a raison ! . Elle était en terminal. Moi, ce n’était pas ma préoccupation. Elle m’a aidé à me construire sans brusquer les choses.
 
Il évoque alors une discussion avec des amis un mois avant le drame : « Il y avait quatre couples. Nous étions les seuls contre la peine de mort. Sylvie a dit que personne n’avait le droit d’attenter à la vie d’un homme quel qu’en soit le motif. »
 
J’ai fais une école transport. Je n’allais pas facilement vers les autres. Je voulais créer une entreprise de transports, mon père étant chauffeur routier.
 
A la rencontre de Sylvie c’est un autre monde qui s’est ouvert à moi. Elle était entourée de pleins d’amis du milieu agricole. Je n’ai d’ailleurs pas fait l’amalgame entre le drame et le milieu agricole. Sylvie m’a dit en 1981 qu’elle ne souhaitait pas me voir aller par monts et par vaux. J’ai alors fais mon armée. Elle m’a beaucoup manquée. Elle me manque aujourd’hui.
 
Elle m’a ensuite orienté vers un métier sédentaire. Je suis parti travailler à l’usine ; ce n’est pas ma tasse de thé, mais avec Sylvie, la vie paraissait plus douce. Les femmes nous grandissent, nous donnent de l’amour, nous en demandent en retour. Il n’y a eu aucune trahison.
 
Elle m’a tout donné avec Julien. Au moment de l’accouchement, je lui ai tenu la main pendant 14 heures. Elle aimait son fils. Et il le lui a bien rendu. Ils étaient comme les deux doigts d’une main. Je travaillais en poste à l’usine, ce qui ne rendait pas la vie familiale facile. Elle ne s’en est jamais plainte. Nous avons partagé plus de bons moments que de mauvais.
 
J’ai eu peur de la perdre en 1984. Je devais travailler à quatre heures du matin. Elle a fait un malaise vagal et a vomi. Puis est tombée inconsciente, elle s’étouffait. Il m’a fallu deux minutes pour libérer les voies respiratoires. J’avais conscience de pouvoir la perdre, heureusement que j’étais là, car si j’étais parti, elle serait morte.
J’ai ensuite mené la garde auprès d’elle pendant une semaine, c’était impossible de la perdre. Je n’imaginais pas la vie sans elle. Il arrivait des conflits à la maison. Neuf fois sur dix, je me disais « tu es un imbécile. » Elle avait souvent raison.
 
Sylvie était une mère de famille et les témoignages ne manque pas pour faire son éloge. C’était quelqu’un d’extraordinaire. On l’a éliminé le deux septembre, Comment allons-nous réagir ? Nous allons nous battre dans la dignité. On ne peut pas se comporter de façon déshonorante. La seule condition pour tenir, c’est de préférer l’amour au bien matériel.
 
Le président indique que monsieur TREMOUILLE a déclaré qu’il pourrait tout laisser tomber, aller sous les ponts, si sa femme pouvait revenir.
 
Gilles TREMOUILLE termine son témoignage en indiquant que son fils veut se construire mais qu’il ne se construira pas sans que justice soit faite.
 
–          Témoignage du père Sylvie TREMOUILLE, 68 ans
 
Sur Sylvie, tout a été dit sauf sur sa jeunesse.
 
Née le 15/07/64, elle a été élevée dans le restaurant de sa mère. Elle l’a beaucoup aidé.
 
Elle travaillait bien à l’école. Elle y avait toujours du monde autour d’elle. Elle avait beaucoup de copines qu’on emmenait souvent avec nous en vacances. Elle ne nous a jamais posé de problème.
 
Elle aimait donner. Avec sa mort, on nous a pris beaucoup.
 
Il nous reste les souvenirs et des souvenirs. Il nous en reste beaucoup.
 
 
Le Président revient vers l’accusé afin d’essayer de mieux comprendre les circonstances du double assassinat et ses motifs. Il souhaite savoir pourquoi l’accusé n’a pas essayé de louer sa propriété avant les difficultés.
 
Claude DUVIAU répond qu’il ne souhaitait pas confier à un autre la gestion de quelque chose qui lui appartenait. Que de plus, les locations entraînaient un bail et cela rendait difficile la récupération des terres.
 
Le Président demande : « pourquoi aviez vous besoin d’une arme avec vous ? »
 
L’accusé répond que c’est suite au différend avec un ouvrier marocain qu’il avait renvoyé. Il l’avait traité de « salopard de Français » et l’avait menacé. Après cet événement, il avait reçu dans sa boîte aux lettres des menaces.
 
Le président se demande pourquoi il n’avait pas porté plainte.
 
L’accusé répond qu’il l’avait envisagé mais que sa femme n’était pas d’accord. « Ma femme tasse toujours. »
 
Quelle est l’utilité d’un fusil, s’il n’est pas à porté de main immédiate ? Demande le Président.
 
Claude DUVIAU : « C’était pour me sécuriser. » Il ajoute que le fusil était un C15, dans sa housse, caché. Au moment de la récolte, si les salariés montaient dans le véhicule, le fusil restait à la propriété. Sinon, je descendais l’arme en même temps que la glacière avec mon casse croûte. J’avais acheté des balles gros calibre en février 2004, pour ne pas me rater.
 
Et les munitions ? Demande le Président.
 
L’accusé répond qu’avant février 2004, les munitions à croisillon étaient dans le véhicule. « J’utilisais mon fusil sur la propriété pour effaroucher les buses. » Les contrôles d’inspection se font en général dans les vignes et les vergers et là je n’ai pas d’arme. Ce qui s’est passé en 2004, c’est un malheureux concours de circonstance. (Comment accepter ses propos ! NDLR)
 
Lors de sa première audition, le 6 septembre 2004, il déclare au sujet des contrôles : « ils auraient dû prévenir. » Après que Daniel BUFFIERE lui ait dit « vous avez des salariés en situation irrégulière », tout se serait « embrouillé » pour l’accusé. Il voulait se suicider, mais après les récoltes, après avoir payer ses échéances.
 
Mais alors pourquoi de grosses cartouches lui demande le président ?
 
Il répond qu’il ne voulait pas se rater. Il explique qu’il a choisi le fusil à canon court car c’était celui le plus adapté pour le suicide.
Le président revient alors sur le pourquoi de transporter un fusil, pour un suicide qui n’a pas été programmé ?
 
Pas d’explication. (bien sûr ! NDLR)
 
Il reconnaît être fier de lui mais pas orgueilleux, psychorigide et impulsif. « Je suis tombé dans la folie en 2003 ; j’en suis sorti définitivement, grâce à Gilles TREMOUILLE et ce que j’ai entendu ce matin.
 
Le président revient alors sur sa première tentative de suicide (suicide dépressif) : « Vous aviez promis à votre femme de ne plus recommencer ; vous auriez pu faire le choix de ne plus vous promener avec un fusil. Vous étiez prêt à repartir vers l’assurance.
 
L’accusé répond : « J’étais de nouveau optimiste et l’idée du suicide me m’est revenue qu’après le refus du financement au jeune TALOU (le repreneur éventuel NDLR). Je ne voulais pas la faillite de mon épouse qui est percepteur. 
Le 2 septembre 2004, rien d’anormal le matin ; les salariés (les siens et ceux de SHERIFF) sont répartis sur deux parcelles – une où on ramasse les prunes par terre et une où cela se fait avec une machine-. Il y a un problème de bâche et c’est pour la réparer que M. BRAGARD sera là l’après-midi. »
A un moment, il aperçoit la voiture des agents de contrôle et il appelle M. SHERIFF pour qu’il vienne s’expliquer. La voiture vient sur la parcelle où se trouve l’accusé. Daniel BUFFIERE aurait déclaré :  « on a trouvé de tout. Il y a des ramasseurs pour de la confiture, d’autres pour une autre entreprise que la votre. » Claude DUVIAU se souvient avoir donné l’autorisation à un voisin de ramasser des prunes pour de la confiture.
Daniel BUFFIERE poursuivra en demandant à qui appartient le matériel et rappelle que le prêt de main d’œuvre est interdit. L’accusé lui répondra qu’il lui faut du personnel. Daniel BUFFIERE aurait répondu : « Ca n’a rien à voir , vous vous expliquerez. » L’accusé lui demande alors s’il va passer au tribunal. Daniel BUFFIERE aurait répondu que oui.
Selon l’accusé c’est ensuite le voile.
 
Il se dirige vers l’habitation, veut partir de là, espère que les contrôleurs vont partir. A la maison, il est suffoqué et ne pouvait plus se contrôler ; il pensait à sa femme. Il se souvient qu’on l’a appelé et qu’il n’a pas répondu et puis les agents se sont approchés. Il a entendu Daniel BUFFIERE parler de maison (sans doute que D.Buffière a dit « il est dans la maison »NDLR .) L’accusé se serait dit « ils me font chier » ; il est allé chercher le fusil, l’a chargé et est arrivé vers la porte pour tirer successivement sur Daniel BUFFIERE puis sur Sylvie TREMOUILLE. Il dit « sans les voir » ( mais sans les rater NDLR.) Puis il recharge le fusil avec une seule cartouche puisqu’une seule douille est récupérée et il tire sous son menton.
 
Sa première réaction est de constater qu’il n’est pas mort. Il déclare toutefois qu’il se trouve « dans une situation de bien-être, un peu comme s’il allait vers la mort. J’ai senti mon corps qui se glaçait et je suis parti. J’étais sur un nuage. »
 
Il reprendra conscience progressivement, sur plusieurs jours et retrouvera sa lucidité. C’est seulement lors du premier interrogatoire (déclare t’il !) qu’il apprend qu’il a tué deux personnes. Ensuite il va à la maison d’arrêt où un médecin et un prêtre vont le « reconstruire. »
 
Il répète que l’information comme quoi il pourrait repasser au tribunal l’avait anéanti et qu’il ne l’acceptait pas.
Le président intervient alors et lui dit que ce n’était pas si dramatique que cela et que sa condamnation au tribunal de Bergerac était légère. « Vous pouviez être inquiet, mais de là à avoir un souvenir de terreur, c’est disproportionné. » Mais le deux septembre, pourquoi avoir tiré ? » Demande le Président.
 
L’accusé répond : « Je me voyais devant le tribunal. J’avais la haine de ces personnes là. Je me voyais sans personnel pour la récolte. Dans ma tête, je me suis dit que je ne repasserais pas devant le tribunal. »
 
Le président : «  vous avez cristallisé sur ces deux personnes tous vos problèmes ! »
 
L’accusé : « Pas facile d’analyser. Quand j’ai tiré, j’étais ailleurs. Je n’étais pas lucide. Je voulais faire vite afin qu’on ne m’empêche pas de me suicider. »
Le président : « pourquoi vous ne vous suicidez pas directement ? »
 
L’accusé : « Je pensais que les contrôleurs partiraient. »
 
Claude DUVIAU déclare ensuite qu’il souhaite que ce drame ne se reproduise plus et se met à donner des « conseils » ( ! NDLR) pour qu’un contrôle se déroule mieux, en prévenant. « Il y a trois familles détruites », il veut en sauver d’autre et veut même écrire un livre en prison pour raconter son histoire (! NDLR)
 
Il termine en indiquant qu’il veut assumer ce qu’il a fait, qu’il vit le calvaire des familles, qu’il est en colère contre lui.
 
Les avocats poseront plusieurs questions à M. Duviau ; ses réponses n’éclaireront pas les interrogations sur le pourquoi du double meurtre.
 
En début d’après midi, le président indique que l’ensemble des constitutions de partie civile est accepté ; nous nous y attendions. L’exception d’irrecevabilité que l’avocat de la défense avait invoquée lors du premier jour d’audience n’est donc pas retenue.
 
Notre avocat (CFDT) verse aux pièces du débat un extrait de presse (1er mars), un encart informant de la condamnation d’un agriculteur par le TGI de Bergerac qui a usé de menace à l’encontre d’un agent de la DDAF( contrôle de bovins), avec des propos menaçant, avec rappel de Saussignac, ce qui a fait cesser le contrôle.
 
Interventions des avocats de la partie civile
 
–          Avocat de la famille BUFFIERE
 
Il reprend des éléments évoqués lors des quatre jours d’audience ; il indique qu’il n’a, bien sûr pas, la même image de M. DUVIAU que ceux qui sont venus témoigner en sa faveur. Pour lui l’accusé est un homme dangereux, cynique, orgueilleux, quelqu’un à l’ego surdimensionné. C’est quelqu’un qui pense toujours détenir la vérité. Il reprend un élément du rapport du psy : « c’est un caractère entêté le prédisposant au passage à l’acte »
Il est colérique, psychorigide ; il ne se maîtrise pas.
 
Rappel des faits de violence rapportés en audience :
 
Il a 6 fusils. Il a toujours un fusil pas loin de lui. Le jour du drame  il déclare aux agents qui viennent le contrôler : « c’est à cause de vous que j’ai des problèmes. » Il lui faut des responsables, mais ce n’est jamais lui ; c’est toujours la faute des autres.
Quand il a tué les victimes ; il ne leur a laissé aucune chance. Il est resté avec une position de chasseur et les dégâts causés étaient irréparables.
Sur les explications de son geste : pour l’avocat, quand l’accusé est en colère, il ne peut plus se maîtriser et a des réactions disproportionnées. Il ressort du dossier que les deux agents de contrôle étaient intervenus avec calme et courtoisie. Certes il n’y avait pas eu d’avis de passage, c’était un contrôle inopiné. Mais par le passé Claude DUVIAU avait fait l’objet de mansuétude.
 
L’accusé est quelqu’un de réfléchi.
 
Avant son dépôt de bilan, il a fait une donation partage a ses enfants et a ainsi organisé son insolvabilité. Son dépôt de bilan est une démarche volontaire pour obtenir une liquidation et ainsi pourvoir céder plus facilement son affaire. L’insuffisance d’actif ne risquait pas de le mettre « sur la paille. » Il aurait pu couvrir son passif de 50 000 € avec un concours bancaire qui lui aurait été accordé en raison des revenus de son épouse qui s’élève à 3000€ mensuels.
 
On peut aussi douter de ses tendances suicidaires : il a été bon tireur à l’encontre des victimes mais pas envers lui-même. On ne peut être que dubitatif sur sa volonté de suicide.
 
L’avocat rappelle la mémoire de Daniel BUFFIERE qui était quelqu’un de bien. Les saisonniers, présents au moment des faits, ont reconnu l’humanisme de Daniel BUFFIERE et de Sylvie TREMOUILLE.
 
Alors pourquoi cet assassinat ?
 
L’avocat rappelle le traumatisme des familles : Claude DUVIAU n’a pas tué qu’une personnes, c’est une famille entière qui a été disloquée. Il évoque la sœur de Daniel BUFFIERE.
 
« Quand vous allez délibérer, souvenez-vous que je représente une famille pour qui la mort est un moment et la douleur un siècle. »
 
Fin de la plaidoirie
 
–          Maître DUCOS-ADER, Avocat de la première épouse de Daniel BUFFIERE et de sa fille
 
L’avocat centre sa plaidoirie sur la fille qui avait déjà subi un traumatisme dû à la séparation de ses parents.
 
Elle a eu 15 ans en décembre 2004.
 
Il lui a demandé quels souvenirs elle avait de son papa :
 
« Quand j’allais chez lui, tous les 15 jours, dans le cadre du droit de visite, il m’accordait, malgré tous ses engagements, un peu de temps et il y avait des moments intenses. Il m’a donné le goût de la politique et du syndicalisme. Comme ces moments étaient courts, il ne voulait rien en perdre. »
 
L’avocat rappelle qu’elle a été présente les 3 premiers jours d’audience et qu’elle a pris des notes sur l’ensemble des débats.
 
Il la cite : « Je ne comprends pas le procès. Quand aura-t-on une explication ? »
 
L’avocat s’adresse ensuite à Claude DUVIAU « vous avez réponse à tout ; vous n’assumez pas votre responsabilité ! » ; « Il faut sauver le patriarche ! »
 
« On nous sert le suicide économique ! Je reprends les mots du psychiatre : « c’est un acte en miroir ; vous irez l’expliquer à une enfant et à sa famille ! »
 
«  Ce n’est pas l’attitude de Daniel BUFFIERE, même s’il a prononcé le mot – tribunal – qui peut expliquer le geste de Claude DUVIAU. « N’essayez pas de salir la mémoire des victimes, n’essayez pas de trouver des arguments dans la tentative de suicide dont on n’a pas eu connaissance en temps voulu. C’est un argument pour grignoter quelques années ! »
 
« Je ne vais pas redire ce qui a été dit sur la qualité exceptionnelle des victimes innocentes. Il n’y a pas eu de faute de leur part. Je m’étonne qu’après avoir tiré une première fois vous n’ayez pas réagi pour ne pas tirer une seconde fois. »
 
« Vous avez agi en chasseur : c’est proche de la monstruosité ! »
« J’espère qu’on ne fera pas le faux procès des inspecteurs contre les agriculteurs »
 
«C’est le caractère psychorigide de Claude DUVIAU qui a permis ce drame. »
 
« Nous ne sommes pas dans la pathologie mais dans la criminologie ! »
S’adressant à l’accusé : «  Nous avons peu à faire de votre suicide économique ! Vous avez réalisé un geste de haine. Aujourd’hui vous n’êtes plus dépressif, vous allez mieux. Pour ceux qui ne sont plus là, il n’y aura pas de mieux. »
   
–          Avocat de la famille TREMOUILLE
 
Il reprend des éléments de l’intervention faite le matin par Gilles TREMOUILLE.
 
Il souligne que Claude DUVIAU a quand même eu du temps pour se préparer à tirer (Il sous-entend la préméditation NDLR.)
 
« Ce qu’il a fait c’est préparer son acte. Quand il est sorti ( de la grange) il était déterminé. Sa sale besogne ! son œuvre de mort ! il l’avait préparée ! Il a vu ses victimes par la fenêtre. Il savait ce qu’il allait faire. » S’il ne maîtrisait pas ses pulsions avant, le premier coup aurait du le ramener à la réalité. Il a témoigné de la froide détermination de quelqu’un qui sait ce qu’il fait.
 
L’avocat évoque la tentative de suicide comme « une construction allégorique pour faire admettre que son état dépressif entraînait l’irresponsabilité. »
 
« Il n’y avait pas harcèlement de contrôle. Il y a disproportion des réactions de l’accusé par rapport aux faibles sanctions qui lui ont été infligées. C DUVIAU n’accepte pas la loi. »
 
L’avocat s’interroge ensuite sur le refus, par l’accusé, des soins médicaux : « quand on est malade ,on se soigne surtout quand on risque de devenir dangereux .»
 
L’avocat termine ainsi sa plaidoirie :
 
« J’emprunte une image au philosophe Michel Serre – l’homme est celui qui bâtit des ponts d’une rive à une autre de manière à ce que ces rives ne deviennent pas rivalité. »
 
« Sylvie TREMOUILLE, c’était un pont entre elle et sa famille, entre elle et ses collègues. Ce pont vous l’avez pulvérisé. » 
 
« C’était un pont entre l’Etat et les entreprises qui permettait que les salariés ne soient pas exploités. Sylvie est morte pour rien ! »
 
–         Premier avocat , représentant les syndicats
 
« Ce n’est pas un fait divers comme les autres, ce sont des faits d’une particulière gravité parce qu’il s’agit d’un homme et d’une femme morts dans des conditions inacceptables. Je suis le porte-parole de toutes les personnes, meurtries elles aussi, qui les connaissaient.
 
Chaque agent a, dans le corps et l’esprit, ce qui s’est passé le 2 septembre 2004. Tous réagissent comme Sylvie et Daniel l’auraient fait : dans la dignité.
Le fils de Monsieur Claude DUVIAU nous a demandé que ce dernier ne soit pas le symbole des agriculteurs contre l’Administration. »
« Monsieur DUVIAU nous a indiqué ce matin qu’il souhaitait mettre tout sur la table, dire tout son ressenti. Il dit qu’il a fait un travail sur lui-même. Le temps lui a fait comprendre qu’il était un animal blessé. Il a osé invoquer Gilles TREMOUILLE ; qu’il l’aurait sorti définitivement sorti de la folie ce matin.
Mais qui êtes-vous aujourd’hui ? Vous qui n’avez pas manifesté le moindre remord ; la moindre compassion.
Qui êtes-vous pour justifier votre acte par l’argent et votre famille ?
Comment oser dire que vous avez compris, et que vous êtes prêt à faire un livre pour améliorer les conditions de contrôle ?
Qui êtes-vous pour donner des leçons ?
Vous avez oublié les réalités de la société. Vous n’avez rien compris en indiquant qu’il aurait fallu vous prévenir du contrôle et que dire de la façon dont les agriculteurs ont utilisé ce drame ?
Daniel et Sylvie sont morts pour avoir fait leur devoir, investis d’une mission de service public. Quel que soit le secteur, les agents sont là pour faire respecter le code du travail et le travail clandestin c’est aussi le code du travail. La logique des contrôles implique des interventions inopinées. Vous croyez que c’est pour leur plaisir qu’ils vont sur les terres et font des kilomètres ?
Ces agents méritent reconnaissance, respect et protection. »
 
–         Deuxième avocat , représentant d’autres syndicats
 
Il rappelle d’abord l’unanimité des positions des avocats sur le drame, il rappelle ensuite que l’Inspection du travail a été créée en 1892 et que le 2 septembre 2004, c’était la première fois que des agent de contrôle étaient assassinés. Il n’y a pas de précèdent. Ce qui explique l’émoi dans la profession. 
 
Ce drame a été ressenti comme une forme d’agression. Pour les praticiens de l’Inspection du Travail, l’association des mots étranges « suicide économique » faisait penser à licenciement pour motif économique.
 
Claude DUVIAU a introduit la vie humaine dans la gestion de son patrimoine.
 
Ce qui m’atterre, c’est la façon dont il instrumentalise sa vie et après celle des autres. DUVIAU est un homme de principe, mais il peut se situer au delà des règles qu’il s’est fixé. Les experts ont parlé de toute puissance et elle se manifestera le 2 septembre 2004 sur les personnes les plus fragiles.
 
DUVIAU a déclaré : « la haine m’a envahie ». Elle n’a pas de fondement parce que le contrôle s’est passé de manière affable même s’ils n’avaient pas prévu le contrôle. L’avocat évoque les aides accordées pour les saisonniers (exonération de charges, ce qui suppose un encadrement.)
 
Claude DUVIAU a transformé les agents en boucs émissaires, c’est un contresens terrible, une agression, une injustice totale. Pourtant les inspecteurs devront continuer à travailler.
 
Monsieur DUVIAU, s’il vous plait, n’écrivez pas de livre ! Vous n’avez rien compris.
 
Ce que Claude DUVIAU a fait n’a pas d’utilité. Ce qu’on peut souhaiter c’est qu’il se fasse oublier.
 
L’Inspection du travail est née avec les premières lois sociales ; c’est une profession inquiète qui attend votre verdict.
 
–         Troisième avocat, représentant de syndicats