Menaces contre le statut des agents de l’Inspection du Travail – Pour le retrait du projet de décret IMINIDCO –
novembre 9, 2007

CGT – CFDT – FO – FSU – SUD – UNSA

LETTRE OUVERTE 

Paris, le 9 novembre 2007
 
Monsieur le Ministre,

Nous appelons votre attention sur le projet de décret que le gouvernement doit soumettre au Conseil Supérieur de la Fonction Publique de l’Etat, commission des statuts, le 14 novembre prochain, portant modification de certaines dispositions statutaires relatives à des corps de la fonction publique de l’Etat.

En fait, ce texte doit permettre l’affectation des fonctionnaires dans les services d’un autre département ministériel que ceuxprévus par leur statut : ce texte, de portée générale, concerne, pour les ministères sociaux, les statuts particuliers d’une part des inspecteurs et des contrôleurs du travail pour le secteur travail et d’autre part des inspecteursde l’Action Sanitaire et Sociale pour le secteur solidarité.
Or, ce projet de décret vise particulièrement la montée en puissance du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement (IMINIDCO) : la note de présentation émanant de la DGAFP ne laisse aucun doute sur ce point.
L’ensemble des organisations syndicales du ministère du travail, CGT, CFDT, FO, FSU, SUD et UNSA juge que ce projet de texte est scandaleux. Sur la forme il est « amené en douce », sans information, ni communication avec les partenaires sociaux publics.
Sur le fond, il heurte frontalement l’ensemble des agents de notre Ministère et notamment les corps de contrôle dans leurs missions en permettant qu’ils soient affectés, individuellement ou collectivement, et mis à disposition du ministère précité ou de tout autre.
Car, potentiellement, ces dispositions peuvent concerner la plupart des agents de notre Ministère, dont on se demande s’il n’est pas en voie de démembrement complet : avec ce texte il sera possible d’affecter rapidement les agents travaillant dans les services de la Main d’Oeuvre Etrangère au Ministère « IMINDIDCO ». Les agents spécialisés sur des postes « Travail illégal » pourraient être absorbés par ce même ministère et les agents de la DILTI par le ministère du Budget ou celui des Finances et de l’Emploi dans un nouveau pôle anti-fraude. Quant aux Attachés de l’Emploi et de la Formation Professionnelle travaillant sur des postes dédiés à l’animation des politiques locales d’emploi – formation, seront-ils « basculés » dans les services extérieurs du Ministère des Finances et de l’Emploi ?
De surcroît,ce projet de texte ignore que le statut particulier du corps interministériel de l’inspection du travail prévoit actuellement que les inspecteurs du travail sont affectés soit au ministère de l’agriculture, soit au ministère des transports, soit au ministère chargé du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, puisque seuls ces ministères ont en charge un service d’inspection du travail.
Il faut rappeler avec force et vigueur que ces dispositions réglementaires actuelles répondent aux exigences des conventions internationales n°81 du 11 juillet 1947 et n°129 du 25 novembre 1969 de l’organisation internationale du travail (OIT), relatives à l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce et l’agriculture respectivement ratifiée par la France les 16 décembre 1950 et 28 décembre 1972, qui prévoient d’une part en l’article 3.2 et d’autre part en l’article 6.3 :  » Si d’autres fonctions sont confiées aux inspecteurs du travail, celles-ci ne devront pas faire obstacle à l’exercice de leurs fonctions principales ni porter préjudice d’une manière quelconque à l’autorité ou à l’impartialité nécessaires aux inspecteurs dans leurs relations avec les employeurs et les travailleurs « , ainsi que, dans son article 6 que :  » le personnel de l’inspection du travail sera composé de fonctionnaires publics dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue « 

De plus, le bureau international du travail (BIT) a précisé dans son rapport 2006 de sa 95ème session :  » Il est également indispensable que l’inspection du travail soit solide, informée, dotée de moyens suffisants, bien organisée et dirigée, apte à s’adapter aux changements et en mesure d’accomplir sa tâche. Dans certains pays, le gouvernement donne la priorité à la lutte contre le travail clandestin ou l’emploi illégal qui est fréquemment liée à l’application du droit de l’immigration. Toutefois, cette tâche ne devrait pas prendre une importance telle qu’elle détourne l’inspection du travail de sa mission essentielle de protection de l’ensemble des travailleurs sans exclusive « .

Or, en prévoyant qu’un inspecteur ou un contrôleur du travail puisse être affecté au ministère de Monsieur Brice Hortefeux, le projet de décret va avoir pour résultat d’utiliser ces agents à des tâches fondamentalement étrangères à leur mission essentielle de protection de l’ensemble des travailleurs sans exclusive. Les inspecteurs et contrôleurs du travail n’ont pas vocation à combattre le  » travail illégal des étrangers « , ni de contrôler le respect des règles du droit au séjour des salariés étrangers.
Ainsi, ce projet de décret:
  • d’une part contrevient à l’esprit de ces textes de portée internationale,
  • d’autre part donne la possibilité au gouvernement de modifier d’une façon unilatérale l’affectation ministérielle des membres des corps précités.
En fait, cette  » forfaiture  » statutaire permet :
  • d’une part, de régler  » à la hache  » les conséquences gravissimes du redécoupage ministériel pour l’avenir de la fonction publique et son rôle de régulateur,
  • d’autre part, de vous ôter une partie importante de votre autorité sur l’inspection du travail et ses missions pour les transmettre à Monsieur Brice Hortefeux.
En conséquence, il n’est pas infondé de penser que, sous prétexte de créer un ministère de plein exercice à ce dernier par une simplification des textes, ce soit une façon détournée mais efficace de casser ces corps  » trublions « , qui se doivent de faire respecter les droits des salariés.
Il s’agit là d’une nouvelle étape dans le processus de démolition du statut de la Fonction Publique : d’un simple trait de plume le gouvernement supprime, de fait, les spécificités des statuts particuliers, puisqu’en effet l’article 1 du statut particulier du corps de l’inspection du travail prévoit que les inspecteurs sont  » placés sous l’autorité des ministres chargés respectivement du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, des transports et de l’agriculture « .
En ce qui concerne les inspecteurs de l’action sanitaire et sociale, ces derniers ont passé un concours pour venir en aide aux populations fragiles (malades, handicapés, exclus, personnes âgées, demandeurs d’asile…). Désormais, par décret, leurs missions essentielles sont totalement dévoyées : ils devront tout au contraire les exercer à l’encontre de ces mêmes populations.
Pour nos secteurs respectifs, TRAVAIL et SOLIDARITE, il s’agit d’une volonté politique de mise sous tutelle des CONTRÔLEURS et INSPECTEURS du TRAVAIL, des INSPECTEURS de l’ACTION SANITAIRE et SOCIALE, de la part du Ministre de l’Immigration.
Ce projet paraît répondre plus à une volonté politique de faire participer, notamment, l’inspection du travail  » à la chasse à l’étranger «  qu’à la poursuite des missions de service public de l’inspection du travail, au profit de ses usagers prioritaires, en l’occurrence l’ensemble des travailleurs du secteur privé, qui doivent pouvoir compter sur l’inspection du travail pour faire respecter le droit du travail et le droit au travail.

C’est la fin programmée de nos missions respectives et de l’existence même des ministères sociaux  ! ! ! !
Effectivement, les Ministres n’auront plus à s’embarrasser des droits statutaires (mise à disposition ou détachement par exemple), qui nécessitent l’accord des agents concernés : l’affectation dans le nouveau Ministère (pour l’exemple visé le ministère de l’Immigration) ou dans tout autre type d’établissement se fera par simple arrêté, et l’agent n’aura aucun droit d’option.
Ainsi, permettre que les corps de contrôle du travail puissent « être affectés dans le ministère précité et à terme dans n’importe quelle autre structure » est un détournement certes non réglementaire au vu des statuts spécifiques, de la formation initiale et continue de ces agents mais également dangereuse puisque cette réforme est non seulement une boîte de Pandore pour casser le statut général de la fonction publique, mais est contraire à la tradition d’un pays qui s’est toujours voulu respectueux des conventions internationales et de la Déclaration des droits de l’Homme
L’intersyndicale CGT, CFDT, FO, FSU, SUD et UNSA exige le retrait de ce projet de décret  » scélérat  » et vous demande audience en urgence ce jour.

De plus, l’intersyndicale vous informe du dépôt d’un préavis de grève à propos de ce décret, dès lors qu’il ne serait pas retiré.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à l’expression de notre considération distinguée.
Pour l’intersyndicale
FO
SNUTEF-FSU                                                       Marie-Ange SIFFREDI                         
SYNTEF-CFDT                                                     Secrétaire Nationale du Syntef-CFDT
SUD Travail Affaires Sociales
UNAS-CGT
UNSA ITEFA