Projet de loi El Khomri : les principales évolutions attendues
avril 11, 2016

La CFDT a fait valoir ses revendications pour encore améliorer le projet de loi Travail, examiné cette semaine en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Amender le texte pour l’améliorer sans en dénaturer « l’équilibre ». Telle est en résumé la feuille de route fixée par la ministre du Travail, Myriam El Khomri, aux députés de la commission des affaires sociales qui ont entamé le 5 avril l’examen du projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ». Pas moins de 745 amendements ont été déposés, sans compter ceux du rapporteur du projet de loi Travail, le député socialiste Christophe Sirugue. La tâche sera ardue, tant les positions des différents acteurs sont éloignées.

La ligne CFDT : peser pour améliorer

En témoignent, alors que plusieurs organisations syndicales continuent de se mobiliser pour réclamer le retrait du texte, les désidératas du patronat : rétablissement du plafonnement des dommages et intérêts prononcés aux prud’hommes en réparation d’un licenciement abusif ; « dialogue social direct » – c’est-à-dire sans représentants syndicaux – « dans toutes les entreprises » ; assouplissement de la modulation du temps de travail, des astreintes et temps de repos ; retour du forfait-jour sur simple « accord » entre le salarié et l’employeur dans les entreprises de moins de 50 salariés ; calage du temps de travail des apprentis sur celui de leur tuteur ; moratoire sur le compte personnel de prévention de la pénibilité, ajournement du compte personnel d’activité…

Côté CFDT, la ligne n’a pas changé : il s’agit de « peser pour que ce texte change et s’améliore », résume la secrétaire générale adjointe de la CFDT, Véronique Descacq. La mobilisation de l’organisation a déjà permis d’engranger des avancées entre la première version de l’avant-projet de loi, jugée « inacceptable et déséquilibrée », et la version qui a été adoptée le 24 mars dernier en Conseil des ministres, « potentiellement porteuse de progrès, même si elle reste à parfaire », selon Laurent Berger. La CFDT a ainsi obtenu que le droit supplétif (qui s’applique en l’absence d’accord) en matière de temps de travail revienne à droit constant, que l’extension du pouvoir unilatéral de l’employeur soit remise en cause, que le compte personnel d’activité (CPA) soit enrichi, notamment pour les jeunes, que le barème prud’homal soit retiré, que le dialogue social soit installé y compris dans les TPE. Mais elle n’entend pas en rester là : elle a remis aux parlementaires un document d’une cinquantaine de pages qui détaille les nombreuses évolutions qu’elle revendique. Certaines sont d’ordre technique, d’autres très substantielles.

Encadrer les accords sur l’emploi

C’est notamment le cas en ce qui concerne les « accords de préservation ou de développement de l’emploi » (article 11). Si la CFDT a obtenu dans la version du projet de loi adoptée en Conseil des ministres qu’ « un expert-comptable peut être mandaté par le comité d’entreprise pour accompagner les organisations syndicales dans la négociation », elle réclame l’inscription dans la loi de cette possibilité pour les entreprises dépourvues de comité d’entreprise, « dans lesquelles les élus (quand il y en a) ne disposent de pratiquement aucune information économique ». « C’est fondamental pour signer en connaissance de cause », souligne la CFDT. Par ailleurs, elle revendique que ces accords ne puissent prévoir une durée supérieure à 5 ans. Elle souhaite qu’ils incluent la prise en compte des situations de salariés invoquant des atteintes disproportionnées à leur vie personnelle et familiale (situation de famille, éloignement du domicile, état de santé, etc.). Enfin, sur la nature de la rupture du contrat suite au refus du salarié, la CFDT propose que la loi précise qu’en aucun cas le refus d’application de l’accord, légitime ou non, ne puisse constituer une faute du salarié ; que cette rupture « sui generis » (ni pour motif personnel ni pour motif économique) confère a minima au salarié le bénéfice de l’assurance chômage et d’une éventuelle indemnité de rupture conventionnelle.

Éviter les abus, enrichir le CPA

En ce qui concerne le licenciement économique, la CFDT alerte sur le risque d’appliquer de façon « mécanique » des critères de baisse du chiffre d’affaires ou de perte d’exploitation sans tenir compte de la réalité de l’activité de l’entreprise. « Des causes automatiques sont contraires au principe selon lequel le licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse », met-elle en garde. Ces critères devraient davantage « guider l’appréciation des difficultés économiques ». La CFDT demande en outre « qu’au minimum, la situation de toutes les entreprises appartenant au secteur d’activité et domiciliées dans l’Union européenne et en Suisse soit prise en compte ». Enfin, jugeant insuffisant les quantums de quatre trimestres de baisse du chiffre d’affaires ou du volume de commandes ou de deux trimestres de perte d’exploitation, la CFDT réclame qu’ils soient revus dans l’ordre public et le supplétif, et ne varient pas seulement en fonction de la taille de l’entreprise, piste suivie par le rapporteur Christophe Sirugue, mais avant tout de son organisation.

Concernant le compte personnel d’activité (CPA), enfin, la CFDT veut s’assurer que les salariés des chambres d’agriculture sont bien concernés. Surtout, elle appelle à ce que la loi crée « un compte épargne-temps ouvert à tous les travailleurs (salariés et non-salariés) », véritable « banque du temps » permettant d’épargner un certain nombre de jours de congé par an, gérée à l’extérieur de l’entreprise. Un point sur lequel le rapporteur indiquait, dans une interview à l’AEF du 31 mars, n’avoir « pas encore tranché [s]a position sur le sujet ».