Dans son rapport rendu public en mai dernier, la Cour des Comptes rappelle les principes qui gouvernent ses enquêtes : collégialité, caractère contradictoire de ses enquêtes et…indépendance.
Indépendance ! Ce principe -chère à l’inspection du travail- ne garantit sans doute pas la qualité dudit rapport, ni n’oblige à en partager les préconisations.
Mais si l’indépendance ne suffit pas, cela vaut sans doute aussi pour celle de l’inspection du travail. Affirmer «laisser nous l’indépendance, le reste suivra », est une dangereuse illusion. Qui ne mène ni à l’amélioration de l’effectivité du droit, ni à celle de nos conditions de travail, ni à la reconnaissance qui est due à chacun.
Nous pensons au contraire qu’il est nécessaire d’examiner les dysfonctionnements récurrents de nos organisations et de saisir toutes les occasions d’en débattre.
D’autant plus que la DGT se garde bien de faire un bilan de la réforme « Ministère fort » entrée en vigueur début 2015. Par peur qu’on la rebaptise « ministère faible » ? Ou « la réforme sans gouvernance» ?
Il faut donc lire ce rapport dans lequel, sur 130 pages, la CC dresse un bilan extrêmement complet de l’état de l’inspection du travail et de la période 2014-2019.
Bilan contrasté, la CC pointant des éléments positifs (la CC estime notamment qu’une véritable dynamique de travail collectif a émergé et que les unités spécialisés « ont trouvé leur place »), mais aussi, souvent, des éléments négatifs : taux de vacance de postes élevé des sections, taux de contrôle encore faible, appropriation insuffisante des nouveaux pouvoirs, absence d’évaluation de l’impact de l’action de l’inspection du travail, stratégie numérique manquant d’ambition.
Le diagnostic le plus sévère porte sur la politique des ressources humaines, ou plutôt son absence. Nous citons : « L’absence de stratégie des ressources humaines a été non seulement dommageable pour le service rendu au public, mais aussi pour tous les acteurs de l’inspection du travail. »
Le rapport pointe, et cela vaut pour toutes les catégories, l’absence de perspective professionnelle. Les difficultés propres à chaque catégories sont identifiées : sentiment de déclassement des IT issus du concours classique, formation déficiente des IT issus du CRIT, défaut de préparation des RUC et d’outils managériaux, promesses non tenues pour les secrétaires devenus assistants de contrôle, frustration des contrôleurs du travail.
Autre question, celle de la conception même de l’inspection du travail. Derrière la multiplicité des thèmes abordés par la CC émerge cette interrogation majeure, toujours prégnante, jamais véritablement interrogée et débattue tant les perceptions identitaires et les verrous idéologiques sont forts.
La CC aborde cette question dans sa conclusion et compare les avantages et inconvénients d’une inspection généraliste et d’une inspection qui le serait moins. Sa conclusion est sans appel, et c’est une de ses recommandations : « à moyen terme, supprimer l’organisation en sections, après avoir expérimenté des modes d’organisation alternatifs dans le territoires où les difficultés pour pourvoir les postes sont les plus marqués.»
Sur tous ces thèmes et les préconisations de la CC, il est important d’être collectivement capables d’ouvrir des débats, nous reviendrons vers vous dans les mois qui viennent.
Le devoir de lucidité n’interdit pas un optimisme raisonnable : gageons que de ces débats pourront émerger les fondements d’une inspection du travail plus attractive.
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