Retour à l’envoyeur pour un employeur qui prétendait être victime d’un « chantage » de l’inspection du travail : la société SEPUR, après avoir été déboutée en 2017 de sa plainte pour chantage formée à l’encontre de 3 agents du système de l’inspection du travail, vient d’être condamnée pour dénonciation calomnieuse par suite de la plainte déposée par ces 3 mêmes agents.
On se souvient de la surprenante et non moins inadmissible procédure engagée en 2016 par cette société, spécialisée dans les « opérations d’hygiènes publiques » (sic), à l’encontre d’une inspectrice du travail, son RUC et le RUD, pour « chantage » tel que prévu par l’article 312-10 du code pénal.
L’inspectrice du travail, selon l’employeur, aurait exercé un « chantage » en lui adressant une lettre d’observation dans laquelle elle lui rappelait qu’il lui appartenait de réintégrer le salarié protégé dont elle venait de refuser le licenciement ! Plus précisément, ce soi-disant chantage se nichait dans la portion de phrase suivante : à défaut l’infraction pénale de délit d’entrave pourrait être caractérisée…
Procédure heureusement et logiquement soldée non seulement par la relaxe de nos collègues, mais aussi la condamnation tant de l’employeur que de la personne morale pour abus de constitution de partie civile (voir ici la décision du TC de Versailles du 4 juillet 2017).
Nos 3 collègues décidèrent de ne pas en rester là : parce que ce dossier est exemplaire, parce qu’il révèle une tentative hors normes « d’instrumentalisation de la justice pénale dans l’intention de déstabiliser des membres de l’inspection du travail », ils décident, de prévenus passant plaignants, de déposer plainte pour dénonciation calomnieuse à l’encontre de l’entreprise Sepur.
C’est sur cette plainte que s’est prononcé le Tribunal correctionnel de Versailles le 8 décembre dernier, déclarant coupables employeur et personne morale. Ainsi a-t-il été jugé que la procédure abusivement engagée par l’employeur en 2016 pour chantage a été constitutif du délit de dénonciation calomnieuse sur agent de contrôle (au sens de l’article 226-10 du code pénal).
Le juge a ainsi rappelé :
– qu’« il entre pleinement dans les fonctions des agents de la Direccte d’utiliser la menace de sanctions pour amener les entreprises et leurs dirigeants à se mettre en conformité avec les dispositions d’ordre public du droit du travail »
– que procéder « par voie d’explications et de recommandations plutôt que de dresser immédiatement procès-verbal ne peut de toute évidence être assimilé à un chantage ».
Ce jugement, s’il déçoit les attentes en termes de dommages intérêts, a tout de même l’incontestable mérite d’alourdir l’épée de Damoclès pour quiconque envisagerait d’exercer de telles « pressions indues » sur un agent de contrôle.
Le SYNTEF-CFDT, qui s’était constituée partie civile dans cette procédure, salue la persévérance de nos collègues !
Consultez ici le jugement du Tribunal Correctionnel de Versailles prononcé le 8 décembre 2020.