Les propositions du Bureau International du Travail pour une nouvelle méthodologie de l’inspection du travail
avril 25, 2021

Le modèle « traditionnel » de l’inspection du travail serait « routinier » ? L’évolution du monde du travail imposerait de modifier les stratégies d’intervention du SIT ?
Le BIT, secrétariat permanent de l’OIT,
ne fait pas dans la langue de bois et propose une stratégie d’action, une méthodologie d’intervention, dans un document sur la « planification stratégique de l’inspection du travail ».


Pour le SYNTEF-CFDT, cette méthodologie d’action, dans le moment particulier que traverse notre ministère, ouvre le débat de l’évolution de nos services.

D’abord parce qu’elle émane d’une instance internationale indépendante, le BIT, Secrétariat permanent de l’OIT qui «représente » plus de 150 pays dont sont issus environ 2500 fonctionnaires. Les propositions du BIT ont donc une vocation internationale, il convient de les adapter au contexte spécifique de notre modèle français.

Ensuite parce que l’évolution de nos modes d’intervention ces dernières années reste fragile, parfois contestée, voire contestable. La multiplication désordonnée des actions collectives, l’adhésion insuffisamment recherchée des agents, la tendance à une évaluation exclusivement quantitative et à la batonnite (rappelez-vous l’avis du CNIT sur la question…), tout cela a fini par doucher les enthousiasmes réformistes. Ajoutées à cela la désorganisation des services (sections vacantes, redécoupage des UC, pilotage insuffisant) et la disparition de l’échelon départemental propre au SIT : une véritable inquiétude quant à l’identité de l’inspection du travail et l’avenir de nos missions a gagné les agents.

Dans ce contexte, la méthodologie d’action proposée par le BIT nous rappelle le caractère indispensable d’une approche stratégique et collective en vue d’obtenir un « respect durable » de la norme.

La DGT quant à elle reste reste trop évasive sur cette question fondamentale.  On trouve certes quelques phrases (p. 22 et 23) dans le plan national d’action du SIT 2020-20202 consacrées à « une approche stratégique pour un meilleur impact »… On trouvera aussi la réflexion suivante : « la recherche de l’effectivité du droit, dans bien des sujets en droit du travail, peut requérir plusieurs interventions en entreprises avant l’obtention d’un résultat probant »…C’est juste, mais un peu court ! Pour être complet, rappelons que la DGT avait commis en 2019 un « Guide pour l’intégration de l’évaluation dans la conduite des actions collectives »…de 67 pages…Qui l’a lu ? Ce guide est loin d’avoir produit ses effets attendus dans nos services.

Le BIT en dit plus en une dizaine de pages. Certains éléments méthodologiques sont proches de nos pratiques, d’autres sont tantôt inédits, tantôt décalés par rapport à nos propres représentations.

Le BIT appelle ainsi, dans la 3ème étape de sa planification stratégique, à « comprendre » les causes des infractions, ce qu’il désigne par l’évaluation des « influences ». Il s’agit « d’identifier » ce qui, dans l’environnement, le système, le marché, les institutions, le cadre juridique, la culture etc « influence » l’employeur au non-respect de la norme.

Autre étape, celle de l’identification des « acteurs », à savoir identifier tout personne, tout groupe ou toute entité qui a ou qui peut avoir une influence sur la conformité. (« Les interventions de l’inspection du travail, le plus souvent sous la forme d’amendes ou d’autres sanctions, ne sont pas forcément les plus fructueuses en termes de respect durable. De nombreux acteurs publics et privés peuvent exercer des influences qui se révèlent plus puissantes et plus pérennes (…). Exploiter ces influences peut être l’une des stratégies de conformité les plus efficaces et durables de l’inspection du travail. »)

Pragmatique et réaliste, le BIT prévoie aussi une évaluation des moyens nécessaires pour engager tel plan d’action et va jusqu’à proposer d’établir un « budget ».

S’il faut se garder de toute idée d’une application mécanique à nos services, il reste qu’il est indispensable, sur cette question de la méthodologie d’action du SIT et de son effectivité, d’ouvrir ce débat essentiel.

Pour le SYNTEF-CFDT, la DGT doit trouver le courage d’ouvrir le débat dans le dialogue avec l’ensemble des agents.

Parce que la recherche de l’effectivité du droit est centrale pour le sens de nos missions.

Parce que les usagers de nos services sont en droit de bénéficier des fruits de cette recherche permanente.